Médecin et chercheuse sur la sécurité routière, Dr Olive Kobusingye est chirurgienne spécialisée dans les blessures par accidents de la route et les urgences, et épidémiologiste. Chargée de recherche à l’Ecole de santé publique de l’université de Makerere, en Ouganda, elle dirige l’unité Traumatismes, Blessures et Handicaps. Elle fut conseillère régionale pour la prévention et le contrôle de la violence et des blessures, à l’Organisation Mondiale de la Santé pour l’Afrique. Elle abrite le Secrétariat du Réseau mondiale des chercheurs dans le domaine des traumatismes.
Engagé pour une mobilité plus sûre
Les accidents de la route sont la première cause de mortalité des jeunes dans le monde et des enfants en Afrique. Dans ce contexte de mobilité croissante, la sécurité routière est un enjeu fondamental. Sensibiliser les plus jeunes, former les professionnels de la route, entreprendre des actions avec les ONG, les institutions et les autorités locales permettra d’améliorer la sécurité sur la route, notamment dans les pays qui connaissent un taux d’accidents élevé.
De quelle manière les accidents de la route pèsent-ils sur l’Afrique ?
L’Afrique est la région du monde la plus touchée par les accidents de la route. Selon le « Rapport 2018 de situation sur la sécurité routière dans le monde » de l’Organisation Mondiale de la Santé, le taux moyen de décès dus à des accidents de circulation est de 26 pour 100 000 habitants sur le continent contre 18 à l’échelle mondiale. Selon l’OMS, les accidents de la route sont la principale cause de mortalité chez les enfants et les jeunes adultes (5-29 ans).
C’est un lourd tribut payé par l’Afrique. Parler de l’impact des accidents de la route ne peut se faire qu’en dressant un tableau plus large, en mentionnant les traumatismes, le handicap, ainsi que le coût économique et social qui résultent de ces drames.
Quelle place ces accidents de la route prennent-ils dans votre quotidien de professionnel de santé ?
On peut globalement dire que les accidentés de la route représentent 50% des patients dans nos hôpitaux. Nos structures doivent donc dédier une partie importante de leurs maigres ressources à ces malades. La question des moyens est cruciale en matière de prise en charge des patients. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai développé l’indice de gravité des traumatismes de Kampala.
C’est une méthode d’évaluation de l’état d’un malade, adaptée aux structures médicales à faibles ressources. Elle ne prend en compte que des critères faciles à obtenir, comme la tension, l’âge du malade ou son rythme cardiaque. Les autres méthodes requièrent des moyens importants, notamment des ressources informatiques poussées, non disponibles dans la plupart des hôpitaux d’Afrique.
Pour être efficaces, nos méthodes de prise en charge post-accidents doivent être adaptées à notre réalité terrain et il est intéressant de voir que les trois quarts de mes étudiants se spécialisent aujourd’hui dans l’étude des blessures de la route.
Quel regard portez-vous sur la coopération entre les différentes parties prenantes (gouvernements, ONG, secteur privé, etc.) associées dans la lutte contre les dangers de la route ?
Il y a incontestablement une coopération multi-secteurs dans le domaine de la sécurité routière depuis plusieurs années et c’est une excellente dynamique. Nous disposons d’outils et de promesses d’une collaboration renforcée entre les pouvoirs publics, le secteur privé, les ONG et les institutions.
Une importance particulière devrait être accordée aux cyclistes et aux piétons, considérés comme les usagers vulnérables de la route. Les gouvernements africains doivent placer ce sujet au cœur de leurs priorités pour que tous ces efforts collectifs portent leurs fruits.
En travaillant avec les autorités locales et les ONG, les entreprises peuvent contribuer à la résolution de ces enjeux, notamment en sensibilisant leurs employés aux problèmes de sécurité routière.
Source : Fondation Total