Le président exécutif de l’association Securoute réitère que l’axe Douala-Yaoundé est dépassé par le trafic.
Doit-on penser que les accidents sur l’axe Douala-Yaoundé sont devenus un problème pour le Cameroun?
Oui, au même titre que le sida ou le cholera. Les accidents de la route sèment la pauvreté au Cameroun. En termes de coût, c’est 5% du produit national brut qui est ainsi perdu, soit 100 milliards de F.Cfa. La situation est comparable à celle d’un malade qui a une bonne ordonnance à la suite d’un bon diagnostic, mais ne prend pas les médicaments à la dose prescrite.
Pourquoi dites-vous que le Cameroun est un malade qui se soigne mal ?
En effet, la sécurité routière camerounaise est un malade qui se soigne mal. Il faut éviter de limiter l’accident de la route à la collision et à ses conséquences. Un tel drame est la résultante de plusieurs facteurs qui touchent plusieurs secteurs. En amont, il y a l’Education, la Justice et les Travaux publics. En aval, la Santé publique et les Transports sont directement concernés en tant que comptables visibles. Les Affaires sociales et les assurances sont interpellées dans la phase post collision. Hélas, cette chaîne connaît plusieurs défaillances.
Quelles sont les responsabilités de chacune des administrations que vous citez ?
La défaillance des véhicules interpelle le ministère des Transports et la Douane. Les véhicules de plus de 10 ans d’âge ne doivent pas entrer au Cameroun. A moins que la loi ait été changée, sans que l’opinion publique n’en soit informée. Les voitures qui arrivent au Cameroun doivent répondre aux normes techniques. La violation du code de la route par les conducteurs met aussi en cause le ministère des Transports, qui délivre le permis de conduire et d’autres titres de transport. C’est aussi un déficit d’éducation civique au primaire, au secondaire et à l’université.
Ensuite, la chaîne de contrôle-sanction revient à la police, à la gendarmerie et au ministère de la Justice. Malheureusement, c’est dans ces milieux que la corruption a fait son lit et se déroule ouvertement. L’infrastructure routière incombe au ministère des Travaux publics. Si la route est mal conçue, elle peut-être très accidentogène. Les coûts de correction sont ensuite très élevés. D’où l’importance des audits de sécurité routière avant la construction de toute route. Les inspections doivent suivre, une fois la route achevée. La récurrence des accidents à certains points de l’axe Douala-Yaoundé amène à questionner la qualité de cet ouvrage. Je citerais par exemple le tronçon d’Ebombe, où le long trait débouche brutalement sur un virage. La route est étroite aux entrées des agglomérations comme Pouma et Boumnyebel. Dans ces localités, le trafic est à la fois urbain et interurbain. Il y a un encombrement de la chaussée dû à la mixité des modes de transport : camions, bus, motos, etc. Il apparait clairement que l’axe Douala-Yaoundé est largement dépassé par le volume du trafic qu’il abrite.
Les interventions du Samu et des sapeurs pompiers arrivent souvent tardivement. D’où, la nécessité d’éduquer les riverains de la route au secourisme et aux techniques d’alerte. De la façon dont la gravité d’un accident est rapportée, dépend le niveau de préparation des secours qui arrivent sur le terrain. Nous déplorons enfin la démission du ministère des Affaires sociales et des compagnies d’assurance, qui sont attendus sur l’indemnisation et la réhabilitation des accidentés. Les assureurs interviennent à la tête du client, après plusieurs conciliabules, le temps pour l’accidenté de mourir parfois.
L’inefficacité des administrations n’est-elle pas due à leur grand nombre ?
Chaque administration à ses compétences dans ce dossier. Mais pour avoir des résultats probants, il faut une coordination des actions. D’où l’urgence pour le Cameroun de se doter d’un organisme national de sécurité routière ayant une autonomie juridique et financière. C’est le cas en Côte d’Ivoire, avec l’Oser.
La recrudescence des accidents de la route ne traduit-elle pas aussi l’échec des associations de promotion de la sécurité routière?
Le Cameroun compte cinq associations actives dans le domaine de la sécurité routière. Leur action représente un grain de sable dans la mer. Ces associations travaillent sur leurs propres ressources humaines et financières. Chaque année, au moins une association est créée dans le secteur de la sécurité routière. Après, on n’en entend plus jamais parler. Les sollicitations auprès des entreprises sont restées dans les tiroirs. Or, pour un simple concert de musique, on assiste à un grand tapage médiatique.